“Vinhos de mesa” et oenophilie : quand les caractéristiques organoleptiques des cépages américains empêchent l’intégration des consommateurs à l’univers de l’appréciation esthétique
Abstract
Au Brésil, 80 % du vignoble national et 90 % du vignoble de l’État du Rio Grande do Sul (principale région productrice de vins dans le pays) sont plantés avec des cépages issus de vitis labrusca ou de cépages hybrides (DEBASTIANI, 2015). Une partie de cette production est utilisée pour la préparation de jus de raisin et de concentrés de moût ou de pulpe de raisin. Le restant est consacré à la fabrication des « vinhos de mesa » (vins de table) produits très souvent en demi-sec ou doux. À titre de comparaison en 2018, l’État du Rio Grande do Sul a produit 218 millions de litres de vinhos de mesa contre seulement 38 millions de litres de vins fins issus de cépages européens vitis vinifera (EMBRAPA, 2020). Les chiffres de commercialisation sont semblables à ceux de la production (ibid.).
Bien que la consommation de vins fins ne représente qu’entre un tiers et un quart de la consommation de vin au Brésil (ibid.), elle détient le monopole du discours normatif à propos du vin (RECKINGER, 2012). Le discours dirigé aux groupes d’œnophiles hisse le vin en tant que produit esthétiquement appréciable puisqu’il véhicule un message à être interprété (CHARTERS et PEETIGREW, 2005 ; SIBLEY, 2001 ; KOCH, 2021). Nous avons alors un problème d’incompréhension de codes puisque l’expérience sensorielle de goûter le vin se trouve étroitement liée à la maîtrise d’un vocabulaire spécifique permettant d’émettre un jugement esthétique à propos du breuvage qui sera reconnu et accepté par les paires (ibid.).
Nous avons alors une triple barrière à l’intégration du buveur de « vinhos de mesa » à l’univers de l’œnophilie : d’abord un discours qui exclut d’emblée toute boisson non issue de vitis vinifera ; des goûts et des mots qui ne trouvent pas d’écho dans l’expérience vécue par le consommateur ; des représentations distinctes entre les pratiques œnophiles minoritaires et les rituels hédonistes purement sensoriels des consommateurs non-éclairés (KOCH, 2021).
Cette communication se donne comme objectif de revenir sur la discussion du vin comme objet esthétique. Nous voulons jeter de la lumière sur les limites que cette pratique peut avoir lors qu’une topique socioculturelle (DURAND, 1994) spécifique n’est pas prise en compte. Le cas de « vinhos de mesa » brésilien sert d’illustration de la nécessité de s’établir une « traduction » inclusive des imaginaires et des pratiques consommatoires.
DOI:
Issue: WAC 2022
Type: Article
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Université Paris-Est Créteil
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Keywords
vinho de mesa, esthétique, cépages américains, discours, dégustation